Le projet de loi immigration : Des mesures de durcissement « bidon » cachant plusieurs dispositions qui accentueront l’invasion

Chronique de Paysan Savoyard

(n°197 – avril 2018)

Le projet de loi du gouvernement intitulé « Pour une immigration maîtrisée et un droit d’asile effectif » se présente comme un texte équilibré. Il affirme viser à la fois l’ouverture – améliorer l’accueil des personnes en situation régulière – et la fermeté – éloigner plus efficacement du territoire les personnes en situation irrégulière -.

En réalité le caractère équilibré du projet est factice et la fermeté affichée un trompe-l’œil : les mesures de durcissement que le projet contient sont des mesurettes « bidon » visant à camoufler et à faire passer en douceur les autres dispositions du texte, qui sont elles destinées à accroître l’immigration.

Nous citerons ci-après les principaux articles du projet de loi et certains passages importants, avec le numéro de page correspondant, de l’étude d’impact annexée au projet. Nous renvoyons d’autre part à cette précédente chronique, dans laquelle figure une présentation générale du dispositif de l’asile.

  1. Les flux d’immigration ne cessent d’augmenter

Il faut rappeler tout d’abord le contexte dans lequel ce projet s’inscrit : le rythme de l’immigration s’est encore accéléré depuis que M. Macron a été élu.

  • L’immigration régulière

Les immigrés non européens entrés de façon régulière en France métropolitaine pour s’y installer (regroupement familial, étudiants, immigration de travail, asile) ont été 267.000 en 2017. Ce nombre, en augmentation de 14 % par rapport à l’année précédente, constitue un record, jamais atteint jusqu’à présent (voir cette chronique).

  • Les demandes d’asile

Les demandes d’asile sont elles aussi en augmentation constante. En 2017 elles se sont élevées à 92.830 (73.689 premières demandes + 19.141 mineurs accompagnant le demandeur). Ce nombre, en augmentation de 18 % par rapport à l’année précédente, est là aussi un record (pages 29 et 58 de l’étude d’impact).

Encore faut-il ajouter à ces chiffres les « demandeurs placés sous procédure Dublin », c’est-à-dire les personnes demandant l’asile en France alors qu’elles sont entrées en Europe dans un autre pays que la France (les accords de Dublin prévoient d’une part que c’est le premier pays dans lequel l’étranger a été enregistré qui doit traiter la demande d’asile, et d’autre part que l’étranger concerné, s’il a gagné un autre pays d’Europe, doit être reconduit dans le pays qui traitera sa demande).

Le nombre des « dublinés » entrés en France en 2017 et ayant présenté une demande d’asile est de près de 30.000 personnes. Le nombre total de nouvelles demandes d’asile présentées en France, mineurs accompagnants compris, atteint donc en 2017,  121.200 (p. 10).

  • Les demandes d’asile satisfaites

Les demandes d’asile satisfaites augmentent elles très fortement. En 2017, l’asile a été accordé à 35.825 personnes, soit une hausse de 56 % par rapport à l’année précédente (p. 21 et 30).

  • Les naissances

Rappelons également que les naissances issues de l’immigration continuent à augmenter également : elles atteignent environ 300.000 (voir cette chronique).

En additionnant l’immigration régulière (près de 300.000 donc désormais), l’immigration irrégulière (au moins 100.000, parmi lesquels en particulier les déboutés de l’asile) et les naissances (300.000), et en déduisant les quelques départs et les décès, on peut estimer que le nombre des immigrés qui naissent ou s’installent en France métropolitaine est compris entre 400 et 500.000 par an.

2. Des mesures nouvelles sont prises année après année pour améliorer la situation des immigrés et accroître encore les flux d’immigration

Les droits des immigrés ne cessent d’être étendus :

  • Les recours suspensifs

Par exemple une loi de 2012 a décidé que l’entrée irrégulière en France ne constituerait plus une infraction pénale. Par exemple encore, une loi de 2015 a prévu que tous les recours introduits devant le juge par un demandeur d’asile contre une décision négative de l’OFPRA seront suspensifs (p. 23).

  • L’augmentation des places d’hébergement

Des places d’hébergement supplémentaires à destination des demandeurs d’asile ont été créées ces dernières années et d’autres le seront encore (les demandeurs dès lors qu’ils ont déposé une demande d’asile ont en effet le droit d’être hébergés gratuitement par l’Etat pendant la durée de l’instruction de leur dossier) : 20.000 places ont été créées entre 2012 et 2017, permettant d’atteindre 87.000 places ; 12.500 nouvelles places d’hébergement seront encore créées en 2018 et 2019 (p. 12, 24, 59, 66).

  • L’augmentation des aides financières

Les aides financières accordées aux demandeurs d’asile ne cessent, elles aussi, d’être augmentées. La loi sur l’asile de 2015 a institué une allocation pour demandeurs d’asile (ADA) qui vient remplacer les allocations précédentes. Le nombre des personnes percevant une allocation à ce niveau a doublé, passant de 45.000 en 2015 à 120.000 en 2017.

Par ailleurs, les capacités d’hébergement des demandeurs d’asile étant inférieures aux besoins, 65.000 demandeurs perçoivent une allocation compensant le fait qu’ils ne sont pas hébergés. Le Conseil d’Etat ayant jugé le niveau de cette allocation insuffisant, elle a été augmentée. Le même Conseil d’Etat ayant de nouveau estimé l’allocation insuffisante, celle-ci va faire l’objet d’une nouvelle augmentation (p. 21,25, 58).

  • L’accueil des réfugiés répartis par l’UE

Un délégué interministériel chargé de l’accueil et de l’intégration des réfugiés a été nommé pour coordonner la mise en oeuvre de l’engagement de la France d’accueillir 10.000 réfugiés dans le cadre des programmes de « réinstallation » de l’Union européenne (p. 12).

  • La politique immigrationniste de l’UE

L’Europe parallèlement poursuit sa politique immigrationniste. Elle vise, premièrement, à harmoniser la politique d’asile dans tous les Etats (en transformant des directives en règlements et en créant une agence européenne de l’asile). Elle vise, deuxièmement, à répartir les demandeurs d’asile entre les Etats. Elle a pour objectif, troisièmement, d’augmenter les droits des demandeurs d’asile (notamment le droit au recours devant un juge pour toutes les décisions négatives prises par l’administration y compris des décisions de gestion ou de procédure ; ou encore le droit à l’assistance juridique et à la représentation gratuite devant le juge…).  Dans cette perspective, 7 nouveaux textes proposés par la Commission en 2016 sont en train d’être discutés au sein des instances de l’UE (p. 26, 28). Il est à relever également que de nombreuses mesures favorables aux immigrés prévues par le présent projet du gouvernement (voir ci-après) sont la transposition de directives européennes.

Toutes ces mesures ont pour effet, et pour objet, de renforcer l’attractivité de la France et de favoriser la croissance des flux d’immigration.

  1. Les mesures de durcissement introduites par le projet de loi sont des trompes-l’œil

Dans ce contexte où les droits des immigrés et les aides dont ils bénéficient ne cessent de s’accroître, le projet de loi « immigration et asile » prétend introduire différentes mesures de durcissement. Comme on va le voir celles-ci ne sont qu’un leurre.

31. Les mesures de durcissement sont de trois types :

  • Réduire le délai d’instruction des demandes d’asile pour réduire l’effet d’appel d’air

Le projet vise tout d’abord à réduire le délai de traitement des demandes d’asile, qui est actuellement de 11 mois en moyenne.

Il se trouve que le fait de déposer une demande d’asile ouvre le bénéfice de différents droits : droit au maintien sur le territoire pendant la durée de l’instruction, aide financière, hébergement…. (voir cette chronique). Dès lors, comme le note l’étude d’impact annexée au projet de loi (p. 46), des délais longs d’examen des demandes constituent une incitation à demander l’asile pour bénéficier de ces droits et pour tenter d’immigrer en France alors qu’on ne remplit pas les conditions de l’asile.

Pour réduire les délais, le gouvernement a fortement augmenté le nombre des postes administratifs et prévoit de les augmenter encore (p. 47). Dans la même perspective, le projet prévoit de réduire certains délais fixés par la loi : par exemple il prévoit de réduire de 120 à 90 jours le délai pendant lequel une personne peut déposer une demande d’asile après son entrée sur le territoire (article 5) ; ou encore de réduire de 1 mois à 15 jours du délai de saisine de la CNDA contre un refus de l’OFPRA (article 6).

  • Augmenter la durée maximale de la rétention pour augmenter le nombre des éloignements d’étrangers en situation irrégulière

Le projet de loi vise également, par différentes mesures, à améliorer l’efficacité des mesures d’éloignement des étrangers en situation irrégulière, notamment les demandeurs d’asile déboutés.

Par exemple dans le cas où un étranger fait l’objet d’une « décision l’obligeant à quitter le territoire » (OQTF) mais que l’autorité administrative lui a accordé un délai pour s’exécuter, le projet prévoit qu’elle pourra désormais désigner le lieu dans lequel l’étranger doit demeurer pendant ce délai (article 14). Par exemple également, le projet étend le nombre des motifs pour lesquels le délai de départ volontaire peut être refusé (notamment en cas d’usage de certains documents frauduleux) (article 11). Par exemple encore le projet prévoit que le recours devant la CNDA ne sera plus automatiquement suspensif lorsqu’il est introduit par un étranger originaire d’un pays sûr ou présentant une menace grave pour l’ordre public (article 8).

Le projet vise également à permettre l’assignation à résidence et le placement en rétention des demandeurs d’asile lorsque leur présence sur le territoire national constitue une menace grave pour la sécurité nationale et l’ordre public (article 18).

La mesure la plus significative consiste à augmenter la durée maximale pendant laquelle un étranger faisant l’objet d’une OQTF pourra être placé en centre de rétention administrative (CRA) afin d’organiser son éloignement. Le projet prévoit de faire passer cette durée de rétention de 45 jours, durée maximale actuelle, à 90 jours (en cas d’obstruction de la part de l’étranger, cette durée pourra même être augmentée de 3 fois 15 jours supplémentaires sur décision du juge saisi par l’autorité administrative) (article 16).

  • Différentes autres mesures restrictives concernent la garde à vue

Le projet prévoit une série d’autres mesures restrictives concernant la garde à vue pour vérification du titre de séjour (doublement de 12 à 24 h de sa durée maximale ; assouplissement de la possibilité de prendre des empreintes et des photos…) (article 19).

32. Ces mesures de durcissement constituent en réalité des mesurettes dérisoires

Ces mesures de durcissement sont en fait des mesurettes dérisoires. Elles ne sont aucunement de nature à faire cesser les détournements et les fraudes contre lesquels le projet prétend vouloir lutter.

  • Le détournement de l’asile, devenu une voie d’immigration

L’étude d’impact donne la liste des pays d’où sont originaires la plupart des demandeurs. Cette liste permet de constater que la procédure d’asile est détournée de son objet. Les demandeurs d’asile les plus nombreux viennent en effet de pays considérés comme « sûrs » : l’Albanie et le Kosovo (p. 45).

Parmi les demandeurs d’asile les plus nombreux figurent également les Haïtiens, qui affluent en Guyane française pour y demander l’asile. Il s’agit là encore d’un détournement manifeste, Haïti étant un pays sûr du point de vue des critères de l’asile (p. 48).

Les demandeurs d’asile en provenance de ces pays sûrs seront finalement déboutés. Mais ils auront bénéficié pendant toute la durée de l’instruction de leur demande de l’aide accordée aux demandeurs d’asile (hébergement, aide financière, soins gratuits…). Et surtout ils savent qu’une fois leur demande refusée, ils courent très peu de risques d’être expulsés.

On constate au passage que les demandeurs d’asile les plus nombreux viennent de pays qui n’ont rien à voir avec les régions en conflit au Moyen-Orient : contrairement à ce que le gouvernement a prétendu, l’explosion en cours du nombre des demandes d’asile est sans rapport avec les conflits syrien et irakien.

L’étude d’impact constate un autre détournement, qu’elle appelle les « pratiques massives de mouvements secondaires » de demandeurs d’asile. Sur le total des personnes qui entrent irrégulièrement en Europe (180.000 en 2017), un grand nombre se déplacent au sein de l’espace Schengen, soit pour rejoindre le pays qui était leur destination, soit pour échapper aux procédures de renvoi : « Ces mouvements secondaires sont très élevés et touchent tout particulièrement la France », dit l’étude. Une partie de ces mouvements sont stoppés à la frontière (en 2017, 85.408 refus d’admissions ont été prononcés aux frontières françaises, la plupart à la frontière italienne). Les contrôles aux frontières étant d’une efficacité limitée, beaucoup parviennent tout de même à entrer en France et y présentent une demande d’asile : ce sont les « dublinés ». Comme indiqué plus avant, le nombre des dublinés entrés en France en 2017 est de près de 30.000 personnes (p. 83 et 84).

Pour lutter contre le détournement du droit d’asile, le projet de loi prévoit, comme on l’a vu plus haut, de réduire les délais d’instruction des demandes d’asile. Cette mesure est évidemment dérisoire. En admettant que les délais en question parviennent à être effectivement réduits, on ne voit pas en quoi cette réduction pourrait diminuer l’incitation à venir en France pour demander l’asile. Les demandeurs d’asile viennent en France pour bénéficier des aides accordées aux demandeurs d’asile, certes. Mais surtout ils viennent en France dans l’espoir de s’y installer. Ils savent que même si leur demande d’asile est rejetée, ils courent très peu de risques d’être ensuite expulsés, comme on va le voir ci-après. La question des délais d’instruction n’est donc qu’un détail : la seule chose qui pourrait décourager les demandes d’asile serait que les déboutés soient systématiquement renvoyés. Or tel n’est précisément pas le cas.

  • La plupart des demandeurs d’asile déboutés ne sont pas renvoyés

 L’asile est devenu l’une des sources de l’immigration irrégulière : en effet la plupart des demandeurs d’asile déboutés de leur demande restent en pratique sur le territoire.

Les deux-tiers environ des demandeurs d’asile sont déboutés de leur demande, parce qu’ils ne remplissent pas les conditions prévues par la loi (en particulier parce qu’ils viennent d’un pays qui, du point du vue des critères de l’asile, est considéré comme « sûr »). Ces déboutés doivent en principe quitter le territoire. En pratique très peu s’en vont, soit volontairement, soit en étant reconduits.

Il faut voir tout d’abord que la décision de refus de l’asile n’équivaut pas à une décision d’expulsion. Seuls font l’objet d’une mesure d’expulsion les étrangers dont la présence constitue une menace grave pour l’ordre public (p. 130).

Les déboutés qui ne sont pas considérés comme présentant une menace font eux l’objet d’une décision de l’autorité administrative les obligeant à quitter le territoire française (OQTF). Cette décision, à la différence de la décision d’expulsion, doit être exécutée volontairement par l’étranger concerné. Il dispose pour ce faire d’un délai, de 30 jours en principe, afin de lui permettre d’organiser son départ. Si l’étranger débouté quitte volontairement le territoire, il bénéficie d’une « aide financière au retour ». En 2017, 85.268 décisions d’OQTF ont été prononcées, à l’égard de déboutés du droit d’asile et d’autres étrangers en situation irrégulière (p. 96).

Dans le cas où le débouté ne quitte pas volontairement le territoire, il peut être appréhendé et retenu dans un centre de rétention administrative (CRA) le temps d’organiser son éloignement du territoire français. La décision de placement dans un CRA est prise par l’autorité administrative pour une durée de 48 heures. La rétention peut être prolongée jusqu’à 45 jours au total sur décision du juge. Pendant le délai de la rétention, l’autorité administrative devra organiser son départ et obtenir en particulier du pays de destination un laissez-passer autorisant l’entrée de l’étranger reconduit. Si le laissez-passer est délivré dans le délai de la rétention, l’étranger est accompagné jusqu’à son pays. Si en revanche, à l’expiration du délai de 45 jours, les documents nécessaires ne sont pas réunis, l’étranger est libéré.

Dans la pratique, en dépit de l’aide accordée, le nombre de départs volontaires de déboutés est faible : en 2016, 4774 étrangers, enfants compris, ont regagné volontairement leur pays et ont bénéficié d’une aide au retour (p. 93).

Parmi les étrangers qui n’ont pas quitté volontairement le territoire, une partie sont appréhendés et placés en CRA. En 2017, 26.055 personnes ont été placées en rétention administrative en métropole (p. 119). On peut relever que ce nombre ne représente que moins d’un tiers des OQTF : les autres étrangers en situation irrégulière restent sur le territoire sans être inquiétés.

Parmi ceux qui sont retenus en CRA, seuls un petit nombre seront effectivement reconduits. En 2017, le nombre de personnes retenues qui ont été effectivement éloignées est de 8.689 (p. 119). Encore faut-il préciser que la moitié de ces éloignements concernent des « dublinés » éloignés vers un pays européen.

Autrement dit, sur les 85.000 étrangers en situation irrégulière ayant fait l’objet d’une OQTF, seuls 13 000 personnes environ quittent le territoire, soit de façon volontaire soit en faisant l’objet d’un éloignement.

Les obstacles à l’éloignement effectif des étrangers en situation irrégulière sont en effet nombreux :

  • L’obstruction des étrangers eux-mêmes

Les étrangers concernés ont recours à différents moyens d’obstruction pour empêcher leur éloignement : refus de déclarer leur identité ou leur nationalité pour retarder leur identification et faire ainsi échec à la délivrance d’un document de voyage dans des délais utiles ; recours dilatoires tels que le dépôt d’une demande de « protection au titre de l’état de santé » effectué quelques jours avant la date limite de rétention en CRA ; refus d’embarquer… Comme l’indique l’étude d’impact, « Ces possibilités d’obstruction sont connues et font de la France une destination attractive en Europe, considérant qu’il y est relativement facile de faire obstacle à l’éloignement… » (p. 120 et 126).

  • L’obstruction des pays d’origine des étrangers

Une grande partie des pays d’origine des étrangers en situation irrégulière en France font obstacle au retour de leurs ressortissants, soit par mauvaise organisation administrative, soit par mauvaise volonté. Les laissez-passer permettant l’entrée dans le pays étant délivrés par ces pays trop lentement, les étrangers concernés doivent être libérés, la durée maximale de rétention étant atteinte. L’étude donne la liste des nationalités qui peuvent difficilement être éloignées parce que les pays d’origine ne fournissent pas les laissez-passer dans les délais : Egypte, Maroc, Turquie, Mali, Bangladesh notamment (p. 121 et 123). L’étude ajoute que l’éloignement des étrangers issus de ces pays étant impossible à réaliser, ils ne sont en pratique pas placés en CRA (sic).

  • L’obstruction des juges

Les juges jouent en rôle majeur dans le fait que les déboutés et les autres étrangers en situation irrégulière restent en pratique sur le territoire.

Il faut voir tout d’abord que la loi attribue aux juges, qu’ils soient administratifs ou judiciaires, un rôle déterminant dans la mise en œuvre de la politique d’entrée et de séjour des étrangers en France, et ce à tous les stades de la procédure. Toutes les décisions administratives concernant les étrangers, premièrement, peuvent faire l’objet d’un appel devant le juge, à commencer par le refus d’entrée sur le territoire et le refus d’asile. De nombreuses décisions importantes concernant les étrangers, deuxièmement, sont prises directement par le juge. C’est par exemple le juge qui prend la décision de prolonger la rétention en CRA au-delà de 48 heures et c’est lui qui fixe la durée totale de la détention. Or la plupart des juges sont immigrationnistes et forment collectivement une corporation qui constitue un maillon essentiel du Système immigrationniste. C’est ainsi que les juges contribuent fortement à bloquer les éloignements d’étrangers en situation irrégulière. Les juges par exemple libèrent la plupart des étrangers retenus en CRA bien avant le délai maximum de 45 jours : en pratique la durée moyenne de séjour en CRA est de 12 jours.

  • L’obstruction des associations

Les associations jouent elles aussi un rôle déterminant en faveur de l’immigration. Ces associations sont soit des associations militantes (SOS, Ligue des droits de l’homme, LICRA…), soit des associations, également militantes, mais chargées en outre par l’Etat de gérer les procédures et les structures d’accueil des immigrés (France Terre d’Asile par exemple). Toutes vivent de fonds publics et jouent un rôle immigrationniste important. Elles jouent notamment un rôle important pour bloquer les éloignements d’étrangers. Pour ce faire leurs militants et leurs avocats conseillent et téléguident les immigrés pour les aider à utiliser toutes les ressources procédurales afin d’empêcher l’éloignement. Ils aident en particulier les étrangers à introduire un recours devant le juge contre toutes les décisions défavorables prises par l’administration, par exemple la décision de placement en CRA. Elles jouent en outre un rôle de pression sur l’administration, en alertant les médias et en mettant en avant un discours fondé sur le pathos.

Résumons. La plupart des demandeurs d’asile sont déboutés. Pendant la durée d’instruction de leur demande (1 an environ) ils seront hébergés et aidés financièrement, alors même qu’ils viennent de pays où ils ne sont pas menacés. Parmi les déboutés, le nombre de ceux qui quitteront le territoire, soit volontairement, soit après avoir été reconduits, est très faible. Selon les données EUROSTAT, le taux d’exécution français des mesures d’éloignement du territoire est de 13,49 %. (p. 124). On aboutit à cette situation : les personnes interdites de territoire y sont en réalité tolérées faute de pouvoir être éloignées. Conclusion : dès lors que l’on entre en France et que l’on y présente une demande d’asile, on a de grandes chances, débouté ou pas, de pouvoir rester sur le territoire.

On voit par là que les dispositions du projet de loi ne permettront en rien de changer cette situation. L’augmentation de la durée de rétention ne lèvera pas le principal obstacle à l’éloignement des immigrés en situation irrégulière qui est la mauvaise volonté des pays d’origine à accueillir leurs ressortissants : l’étude elle-même indique que cette difficulté « renvoie d’abord à des questions de négociations avec les Etats de retour » (p. 120).

Surtout, les principales mesures prévues par le projet (allongement de la rétention, allongement de l’assignation à résidence) dépendent des juges. Elles ne seront appliquées que si les juges le décident. Or comme on l’a vu plus haut, les juges en pratique libèrent les étrangers bien avant la durée maximale de rétention : l’augmentation de la durée maximale de rétention ne changera donc rien à la situation.

  • L’aide apportée aux demandeurs d’asile fait l’objet de fraudes et détournements

Le projet entend également lutter contre les diverses fraudes ou détournements qui concernent l’aide apportée aux demandeurs d’asile.

L’étude d’impact constate ainsi que des demandeurs déboutés continuent à bénéficier irrégulièrement d’un hébergement au sein des structures de l’asile. Il en est de même de personnes reconnues réfugiées ou en possession d’un titre de séjour (p. 59).

L’étude signale également que, compte tenu du nombre de places insuffisantes dans les centres d’hébergement des demandeurs d’asile, 5.000 demandeurs d’asile occupent des places dans l’hébergement d’urgence de droit commun, normalement destiné aux publics en difficulté, notamment les SDF (p. 63).

L’étude énumère diverses fraudes qui ont été constatées : la fraude consistant à présenter plusieurs demandes d’asiles sous différentes identités pour bénéficier de plusieurs aides (p. 61 et 64) ; le versement du « pécule additionnel à l’ADA », réservé aux demandeurs d’asile non hébergés, à des personnes qui en réalité sont hébergées (p. 25 ; 59 ; 63).

Or le projet de loi ne comporte pas de mesures de nature à lutter contre ces fraudes et détournements. Il se contente d’introduire la possibilité, en cas de fraude avérée, de retirer l’aide matérielle dont bénéficie le demandeur d’asile (article 9) : il ne prévoit pas en revanche de mesures permettant de détecter les fraudes. L’étude d’impact s’en tient à cette incantation : « Il reste à parachever un travail de fiabilisation des versements, de lutte contre les versements indus et de maîtrise de la dépense »… (p. 25).

Pour lutter contre les fraudes, le gouvernement a produit une circulaire, publiée le 12 décembre 2017, prévoyant que l’administration pourrait effectuer le recensement des personnes hébergées dans les structures réservées aux demandeurs d’asile. Cette circulaire a déclenché l’opposition virulente des « associations » gérant ces structures, qui ont déclaré qu’elles refuseraient de laisser s’effectuer ces recensements et ces contrôles.

  1. Le projet contient une série de mesures destinées à accroître encore le rythme de l’immigration

Non seulement les mesures de durcissement prévues par le projet sont des mesurettes mais il contient en plus une série de mesures destinées à accroître encore les flux migratoires.

  • Les réfugiés mineurs pourront désormais faire venir leurs frères et soeurs

Jusqu’à présent, lorsqu’un mineur obtenait le statut de réfugié, ses parents pouvaient venir le rejoindre et s’installer à leur tour en France. La loi prévoit que désormais pourront venir également ses frères et sœurs (article 3) : « Le projet de loi entend consolider le droit à la réunification familiale des mineurs… et préserver l’unité de leur cellule familiale » (p. 36).

  • Les étudiants étrangers seront encouragés à rester en France à l’issue de leurs études

Le projet veut encourager le maintien et l’emploi en France des étrangers à l’issue de leurs études. Les étudiants titulaires au moins du master qui prennent un emploi à l’issue de leurs études ainsi que ceux qui ont effectué des études en France et souhaitent y revenir pour occuper un emploi recevront une carte de séjour temporaire (article 21). De même les étudiants qui prennent un emploi en France à l’issue de leurs études pourront demander un titre de séjour de salarié, sans qu’on puisse leur opposer la situation de l’emploi (article 34).

Or la plupart des étudiants étrangers accueillis en France viennent d’Afrique ou de pays non occidentaux. Ces étudiants à l’issue de leurs études cherchent à rester en France : les études en France sont une voie d’immigration. On voit qu’avec ce projet le gouvernement veut encourager ce mouvement.

  • Le projet veut encourager la venue en France de jeunes « au pair »

Le projet veut également encourager la venue en France de jeunes au pair. Est ainsi créée une carte de séjour temporaire spécifique (portant la mention « jeune au pair ») destinée à toute personne âgée de 18 à 30 ans, venant en France pour améliorer ses capacités linguistiques et hébergée par une famille en contrepartie de la garde d’enfants et de menus travaux » (article 22). Il convient de décrypter ce nouveau dispositif : il vise à favoriser l’arrivée en France de ces personnes discrètes et fiables, venues par exemple des Philippines, dont raffolent les bourgeois des beaux quartiers pour la garde de leurs enfants.

  • Le projet contient plusieurs autres mesures favorables à l’immigration

On peut relever notamment les dispositions suivantes. Les bénéficiaires de la protection subsidiaire bénéficieront désormais d’une carte de résident de 4 ans au lieu d’un an actuellement (article 1). La carte de séjour pour les conjoints de Français et pour les personnes entrées dans le cadre du regroupement familial sera désormais renouvelée de plein droit (article 33). La condition de la régularité du séjour aujourd’hui opposée aux membres d’une famille de réfugiés statutaires pour la délivrance d’une carte de résident sera supprimée (article 2) : « elle constituait un obstacle au maintien de l’unité familiale » (p. 36). La peine de prison d’un an qui pouvait être appliquée à un étranger entré irrégulièrement en Europe sera supprimée (article 19).

  • Le projet vise enfin à faciliter la répartition des demandeurs d’asile sur le territoire

Il faut relever enfin que l’un des points du projet vise à faciliter la répartition des demandeurs d’asile sur l’ensemble du territoire. Chaque région française devra accueillir un certain quota de demandeurs d’asile, lesquels seront pour leur part tenus de résider dans la région que l’administration leur aura désignée (article 9) (p. 61 et 64).

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Le projet de loi du gouvernement prend donc place dans la longue chaîne des décisions qui, depuis près de soixante ans maintenant, visent à susciter, encourager et organiser l’immigration massive. Non seulement les mesures de durcissement qu’il contient ne sont que des mesurettes, mais il comprend en outre un certain nombre de dispositions destinées à encourager l’immigration.

L’adoption de ce projet va donner lieu à l’opération de propagande classique. Les mesures de durcissement, en particulier l’augmentation de la durée de rétention, ne sont que factices : elles sont là pour constituer un « chiffon rouge » dont les militants immigrationnistes vont s’emparer afin de dénoncer un projet « contraire aux droits de l’homme et aux valeurs universelles ». Les protestations militantes permettront au gouvernement d’affirmer que le projet qu’il présente est « équilibré et mesuré mais ferme ». Et la plupart des électeurs, qui ne prendront pas le temps d’étudier le projet en détail, vont croire le gouvernement. Plus les associations pousseront des cris d’orfraies, plus la posture de fermeté adoptée par le gouvernement paraîtra crédible. Plus les immigrationnistes radicaux se mobiliseront, plus le projet sera perçu comme ferme, alors qu’il est en réalité destiné à accroître encore les flux migratoires. C’est la technique du jeu-de-rôles (voir cette chronique).

Si l’on voulait vraiment mettre fin à l’immigration irrégulière, il faudrait prendre de toutes autres mesures que celles prévues par le projet de loi : expulser toutes les personnes en situation irrégulière ; les incarcérer tant qu’elles n’ont pas quitté le territoire ; retirer aux juges le pouvoir de bloquer les expulsions ; cesser d’avoir recours à des associations immigrationnistes pour gérer l’accueil des immigrés. Pour arrêter l’invasion, il faudrait également décider l’arrêt de l’immigration régulière, interdire l’entrée de nouveaux immigrés sur le territoire et procéder à une remigration massive.

Tout cela bien entendu est aux antipodes des projets de M. Macron qui, rappelons-le, considère l’immigration comme « une chance, d’un point de vue économique, social et culturel ».

2 commentaires sur “Le projet de loi immigration : Des mesures de durcissement « bidon » cachant plusieurs dispositions qui accentueront l’invasion

  1. J’ai omis de mentionner que dans cette vidéo, Henri de Lesquen a une solution radicale pour régler une fois pour toute le problème de l’immigration.
    C’est probablement la seule qui puisse nous sauver sur le long terme.

    Henri de Lesquen est président de Radio Courtoisie et créateur du Club de l’Horloge.
    Il a été condamné en janvier 2017 à 16 000 Euros d’amende pour s’être dit « émerveillé par la longévité des rescapés de la Shoah », se demandant s’ils avaient « vécu les horreurs qu’ils ont racontées ».
    C’est vrai que la machine humaine est extrêmement résistante et a une admirable capacité à s’auto-réparer. Ainsi, après 3 ou 4 années de camps de la mort, certains ont-ils pu vivre jusqu’à 90 ans et plus. Évidemment, ça doit dépendre de ce qu’ils ont fait après.

    Vu la censure généralisée actuelle et la pénalisation des propos anti-immigrationnistes pris comme du racisme et une incitation à la haine de « l’autre » – notre Paysan en a lui-même fait les frais avec la clôture de son compte tweeter –, on peut se demander, après avoir vu la vidéo de Lesquen, comment il a pu échapper à des procès en cascade susceptibles de l’envoyer en prison ferme.
    Mais sa logique est d’airain, et difficilement attaquable, il a évidemment rodé son langage dans ses nombreuses émissions sur Radio-courtoisie.

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